Histoire administrative et politique

 
 
Le col de Bussang (point de franchissement le plus bas du massif des Vosges) était traversé par une voie romaine dont il subsiste un tronçon près de Malmerspach ainsi que près du lieu-dit « Mahrel » à Urbès. Couramment emprunté à l’époque mérovingienne, ce passage s’ouvrit au grand commerce international vers 1220 ; huit ans plus tard, un privilège de l’empereur Frédéric II autorisa le prince-abbé de Murbach à lever un péage dans la vallée de Saint-Amarin dont il était le seigneur. Urbès a ainsi pu constituer très tôt un lieu d’étape sur la route reliant la Lorraine à l’Alsace, les pays flamands à la Suisse et à l’Italie. Quoi qu’il en soit, l’abbaye de Murbach y possédait une hôtellerie (en face de l’actuelle église), cédée en 1515 à un particulier qui en continua l’exploitation. Une auberge est à nouveau mentionnée à la sortie d’Urbès à partir du début du XVIIIe siècle ; cet établissement fut doublé au siècle suivant d’un relais de poste aux chevaux.

Représentée par un préposé, la communauté d’Urbès dépendait jusqu’à la Révolution de la Mairie seigneuriale de Mollau, dans le baillage de Saint-Amarin relevant de l’abbaye princière de Murbach. En 1790, la mairie de Mollau fut incorporée au canton de Thann et se dota d’une municipalité unique composée de Husseren, Mollau, Storckensohn et Urbès. Cette commune « élargie » fut rattachée en 1794 au nouveau canton de Saint-Amarin et démembrée peu après en communes autonomes, dont Urbès. Le finage commun (ban) ne fut toutefois partagé qu’en 1804.

L’école d’Urbès s’ouvrit en 1820. En 1846 fut percé en amont de la commune le premier tunnel routier d’Europe au col de Bussang, long de 300 m.

Durant la période de l’annexion de l’Alsace à l’Empire allemand (1871-1919), Urbès était doté d’un poste frontière. La localité revint en fait à la France dès le 5 août 1914 avec l’entrée et le maintien des troupes françaises dans la vallée de la Thur. A partir d’octobre, la commune émit sa propre monnaie de nécessité sous forme de bons toujours libellés en Marks, retirés de la circulation l’année suivante. Tandis que les classes incorporables étaient évacuées vers le Midi de la France, Urbès devint le principal centre de transit des troupes et des matériels envoyés sur le front des Vosges stabilisé au Hartmannswillerkopf. Entre Bussang et Urbès furent mis en service une ligne de wagonnets suspendus dit « Câble » ainsi qu’un train « Decauville » sur chemin de fer à voie étroite installé sur la route entre Wesserling et Bussang. Urbès était à cette époque un important centre de transit avec une gare près de l’actuelle salle des fêtes. De nombreux blessés moururent dans l’hôpital installé dans les locaux de la mairie-écoles ; certains (51) d’entre eux reposent encore au petit cimetière militaire local.

En 1932 fut commencé la percée d’un tunnel ferroviaire de 8 km devant relier Urbès à Saint-Maurice (Vosges) en vue de l’établissement d’une ligne rapide Paris-Bâle ; mais les travaux furent rapidement abandonnés vers 1935. Pendant l’occupation allemande (juin 1940 à décembre 1944), une usine de pièces destinées à la Luftwaffe fut installée dans le tunnel inachevé. La main-d’œuvre était fournie par des déportés, installés dans un camp de travail à proximité, relevant administrativement du camp d’extermination de Dachau (mars à octobre 1944).

Les 24 septembre et 4 octobres 1944, onze résistants et maquisards capturés à la ferme du Drumont (siège du maquis dirigé par la famille Lutenbacher en relation avec la Résistance vosgienne) ont été fusillés par la Gestapo au pont du Steingraben, près de la route d’Urbès à Bussang. Un monument et un mémorial marquent aujourd’hui le lieu du drame et une cérémonie commémorative a lieu chaque année le dernier samedi de septembre. En se retirant de la vallée, les troupes allemandes firent sauter l’ancien tunnel routier (l’entrée côté Urbès existe encore au col de Bussang), qui fut remplacé en 1953 par une chaussée à ciel ouvert.

Urbès a été libéré le 1er décembre 1944 par les troupes du 3e RTA.
 
 

Economie et Société

 
 
L’histoire économique d’Urbès fut dominée du XVIe au XVIIIe siècle par l’exploitation des filons de cuivre du Steingraben, de l’Unterwasen et du Bruckenbach. Les entrepreneurs firent toutefois constamment appel à des ouvriers spécialisés d’origine tyrolienne ou franc-comtoise tandis que la population autochtone continuait à vivre de l’élevage et des métiers de la forêt. Les filons furent découverts en 1565 sous l’abbatiat de Jean-Rodolphe Stoer qui, ayant obtenu le droit de battre monnaie, recherchait surtout des mines d’argent. Le cuivre extrait et fondu à Urbès était alors vendu sur le marché bâlois. Lorsque la vallée de Saint-Amarin devint l’un des théâtres d’opérations de la Guerre de Trente Ans dans la province, les travaux furent suspendus ; ils reprirent timidement à la fin du XVIIe siècle mais furent à nouveau abandonnés au profit des mines d’argent de Moosch-Werschholtz.

L’exploitation ne fut reprise qu’en 1751 sous la direction du minéralogiste Antoine de Genssane, alors chef de la Compagnie des mines d’Alsace et de Franche-Comté dont il fonda une filiale locale, la société des mines d’Urbès, avec des partenaires alsaciens et parisiens. Employant plus de 150 ouvriers, l’entreprise compta bientôt parmi ses principaux clients le stettmeister de Colmar Jean-Mathias Sandherr, propriétaire d’un martinet à cuivre (et futur fondateur de la manufacture de Wesserling). Mais les parts de la société firent rapidement l’objet de transactions douteuses et échurent en grande partie à Pascal Faure de Beaufort, médecin ordinaire du roi. Ce dernier fit faillite en 1760 et entraîna aussitôt la compagnie minière dans sa chute. En dépit de quelques projets de reprise des travaux à la fin de l’Ancien Régime, les mines de cuivre d’Urbès (dénommées St-Antoine, Ste-Barbe, St-Bernard, St-Daniel, St-Nicolas et St-Joseph), ainsi que la fonderie établie par de Genssane, ne furent désormais plus exploitées.

A partir de la fin du XVIIIe siècle, les habitants d’Urbès se mirent à filer et tisser le coton à domicile pour le compte de la manufacture de toiles imprimées de Wesserling. Cette entreprise fut à l’origine de la création, à Urbès en 1809, d’un tissage mécanique qui ferma ses portes en 1860 mais fut remplacé six ans plus tard par un établissement similaire, le tissage Weber. Deux autres fabriques de toiles de coton, plus modestes, ont existé au milieu du XIXe siècle dans cette localité où furent également exploitées les tourbières du See.

Cadastre établi en 1813 : 220 propriétaires et 1 034 parcelles, rénové en 1970.

L’évolution du volume de la population locale reflète d’abord le développement de l’industrie cotonnière (448 hab. en 1802, 871 en 1831, 1 056 en 1871) puis les effets des crises textiles du Second Empire, des mouvements d’émigration du dernier tiers du XIXe siècle et de la première guerre mondiale (823 hab. en 1885, 800 en 1910, 730 en 1921). Un léger redressement se dessina au cours de l’entre-deux-guerres (834 hab. en 1936) mais fut anéanti par le nouveau conflit, puis par la crise du textile européen et enfin par la fermeture du tissage d’Urbès en 1965. Les effectifs tombèrent ainsi à 640 hab. en 1946, 616 en 1954, 541 en 1975.
 
 

Histoire religieuse

 
 
Urbès fit partie jusqu’au milieu du XIXe siècle de la paroisse catholique de Mollau, relevant du diocèse de Bâle jusqu’en 1790, puis de l’évêché constitutionnel du Haut-Rhin et enfin du diocèse de Strasbourg depuis 1802. L’annexe fut érigée en vicariat le 17 novembre 1839 puis en paroisse autonome le 15 février 1843. L’église actuelle, dédiée à saint Wendelin et à saint Nicolas, fut bâtie en 1847. La localité possédait une petite chapelle dédiée à saint Nicolas ; citée dès le XVe siècle, elle fut remplacée en 1773 par un nouvel édifice qui disparut à son tour lors de la construction de l’église paroissiale. Le second oratoire avait été doté d’un autel en bois sculpté datant du début du XVIIIe siècle et provenant de la chapelle du château de Wesserling ; cette pièce remarquable fut transférée au milieu du XIXe siècle dans la chapelle du Pont d’Aspach (commune de Burnhaupt-le-Haut) avec laquelle elle fut détruite au cours de la première guerre mondiale.
 
 

Patrimoine artistique

 
 
Vestige d’un portail « roman » (de la première chapelle St-Nicolas ?) dans la cave voûtée d’une maison particulière d’Urbès, où sont également conservées d’anciennes pierres bornes portant l’inscription ST-M (Stift Murbach) ainsi que la date 1782.

A l’église, orgue Callinet (1849)

Sources : Le Haut-Rhin Dictionnaire des Communes – volume III – Editions ALSATIA 1982